Le Roi se meurt

Le froid s’est installé, les murs du palais se lézardent, il n’y a plus d’armée dans le royaume, le roi est malade et la fin de son règne approche. Le vieux roi doit mourir et ne veut pas mourir. Parce qu’il n’a pas eu le temps de s’y préparer. Parce qu’il n’a pas eu le temps de vivre et que la vie est belle, si belle ! Et parce qu’il est homme, tout simplement. Mourir ? Certes, il le faudra bien un jour, mais "dans quarante ans, dans cinquante ans, dans trois cents ans... Quand j’aurai le temps" décide royalement ce roi. "Hélas ! Nous n’avons pas le temps de prendre du temps" lui répond la reine (ou plutôt l’une des reines, car il y en a deux, la jeune et la vieille, la reine de cœur et la reine qui pique), avant d’ajouter, impitoyable comme une vieille sibylle : "Tu vas mourir dans une heure et demie, tu vas mourir à la fin du spectacle".

Etrange spectacle, et ce qui est plus étrange encore, c’est qu’on y rit beaucoup. Pour Ionesco, il n’y a pas de doute : ce qui est insoutenable est profondément comique. Et en même temps profondément tragique.